Le Malheur russe by Hélène Carrère d'Encausse

Le Malheur russe by Hélène Carrère d'Encausse

Auteur:Hélène Carrère d'Encausse
La langue: eng
Format: epub
Publié: 2019-05-11T16:00:00+00:00


Derniers feux d'une puissance en déclin

Vladimir, que l'on appelle Monomaque, monta sur le trône de Kiev dans des conditions singulières. Tout d'abord, ce trône ne devait pas lui revenir. Son père Sviatopolk l'avait occupé jusqu'en 1113, et, bien qu'il eût associé Vladimir à son règne, selon les règles successorales, c'était aux fils de ses oncles, plus âgés que son propre père, que devait revenir le trône. Respectueux du droit national, Vladimir s'effaça devant ses cousins et il fallut toutes les supplications des Kiéviens, attachés à ce prince dont ils avaient pu mesurer les vertus, pour qu'il acceptât enfin d'enfreindre l'ordre de succession. Cette pression populaire en faveur d'un prince témoigne déjà d'une certaine évolution des mœurs. Sans doute, de temps à autre, les peuples faisaient-ils irruption dans les querelles de pouvoir, mais, en général, c'était au terme d'affreuses tueries, car chacun des rivaux cherchait aussi un appui dans la société. Les habitants de Kiev tentaient alors de faire triompher la cause de celui d'entre eux qui leur paraissait le plus attentif aux malheurs du peuple. En 1113, il en allait autrement: les princes ne s'entredéchiraient plus, c'est dans Kiev même que des troubles internes, étrangers aux rivalités successorales, imposaient une solution rapide.

Une crise sociale bouleversait la ville. Nombre de possédants étaient fort endettés, et leur fureur se tourna alors contre les Juifs, prêteurs traditionnels, dont le rôle commercial et fiscal était allé croissant et qui entendaient recouvrer leurs créances. Symboles du nouveau partage des richesses, les Juifs étaient tout désignés pour concentrer sur eux la fureur du peuple. Massacrés, pillés, ils furent de surcroît, après l'avènement de Vladimir, chassés du pays où ils ne reviendront pas avant des siècles. Pourtant, en les écartant de ses terres, Vladimir pensait faire preuve de magnanimité: il voulait préserver leurs vies tout en s'efforçant de mettre un terme à leur pouvoir économique.

Épargné par les conflits familiaux – son règne fut à cet égard paisible –, Vladimir Monomaque ne resta pas, en revanche, à l'abri des menaces extérieures et des guerres. Il dut combattre les Polonais, les Hongrois et, par-dessus tout, les Polovtsiens qui, comme jadis les Petchenègues, multipliaient les raids sur ses États. Malgré ces guerres, durant ses douze années de règne, Vladimir Monomaque restaura quelque peu la grandeur perdue de Kiev. Imposant son autorité aux princes apanagés, il fut pour eux le Père que tous ses prédécesseurs n'avaient su être. Il étendit fort loin, grâce aux guerres, l'influence de la cité. Il reprit enfin l'œuvre législative du Grand Iaroslav, s'intéressant surtout aux problèmes du commerce et de son financement, et précisant ce que devait être la condition des esclaves. A ses fils, il adressa une Instruction remarquable où il prêchait la clémence et la bienfaisance comme clés de la vie éternelle: « Ne faites mettre à mort ni un innocent ni un coupable, car rien n'est plus sacré que la vie et l'âme d'un chrétien. » Servir de père aux orphelins, de protecteur aux veuves, respecter la connaissance, tels étaient ses conseils. Il



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